Sécheresses récurrentes, baisse de la pluviométrie de 35 à 40%, changement du régime des pluies avec la saison la plus humide qui devient un été sec. Tous ces changements partiels font-ils du climat de l'Allier un nouveau climat?Le changement est évident si on compare le diagramme de gauche, le climat montluçonnais sur 30 ans, et celui de droite qui montre son évolution récente sur 2010-19. Le changement se voit aussi sur l'image 2 (cliquez pour faire apparaître) avec un diagramme qui superpose les 2.
Déterminer un climat est une question complexe car on passe de l'analyse des chiffres et diagrammes à une analyse globale, une interprétation du climat. Celle-ci consiste à étudier les constantes du climat pour l'associer à un type défini par la classification de Köppen-Geiger. Pour la France, on compte 6 climats principaux comme le montre le schéma 3 (cliquez pour faire apparaître). Montluçon est en limite sud de la zone de climat océanique dégradé. Ce climat océanique dégradé est une variante du climat océanique avec la progression dans les terres. Par rapport au climat océanique, il est plus chaud mais l'amplitude thermique reste relativement faible, inférieure à 15°c. Il est humide toute l'année et n'a pas de saison sèche. Ce qui correspond bien au climat classique de Montluçon du diagramme de gauche.
Essayons maintenant de classifier le diagramme de droite, c'est-à-dire le diagramme de Montluçon sur la période 2010-19. L'apparition d'une saison sèche en août et presque sèche en septembre interdit de le ranger dans les climats océaniques qu'ils soient classique, dégradé, voire même aquitain. Si l'on considère les autres climats français, le plus proche géographiquement, le climat montagnard ne colle pas non plus : il consiste en une variante plus froide et plus humide du climat local et n'a pas de saison sèche non plus. Le climat semi-continental pourrait géographiquement être un client puisqu'il est présent dans l'est de la France mais aussi dans les vallées de Rhône-Alpes et d'Auvergne en raison des reliefs qui coupent ces vallées de l'influence océanique, rôle que pourrait avoir le plateau limousin pour Montluçon. Toutefois en terme de caractéristiques climatiques, il y a quelques incohérences. Le climat semi-continental a une amplitude forte d'une vingtaine de degrés et celle de Montluçon n'a pas changé toujours à 15°c. En terme de régime des pluies la période la plus humide est l'été en climat semi-continental alors que pour Montluçon c'est maintenant une saison plus sèche voire sèche. Montluçon n'a donc pas non plus un climat semi-continental.
Il ne reste donc qu'un candidat potentiel à examiner parmi les climats hexagonaux : le climat méditerranéen, aussi surprenant que cela puisse paraître. En terme de température, Montluçon n'a que peu changé comme nous l'avons vu à part des épisodes caniculaires en été et des moments d'hiver doux. Ses caractéristiques thermiques ne sont toutefois pas très éloignées si l'on compare avec des villes de climat méditerranéen (image 4 à cliquer). Le régime des températures (c'est-à-dire l'évolution des températures sur l'année) est le même que dans le climat méditerranéen mais environ 5°c au-dessous. Pour Henri Gaussen, le climat est méditerranéen en terme de température si les températures moyennes sont positives toute l'année, ce qui est le cas de Montluçon. Pour Köppen, le climat est méditerranéen en terme de température si le mois le plus froid est entre -3 et 18°c, si 4 mois consécutifs ont plus de 10°c et si le mois plus chaud est à plus de 22°c de moyenne. Ces 3 conditions sont remplies par celui de Montluçon sur 2010-2019 qui présente en plus le même régime des températures que les villes méditerranéennes. Toutefois les températures ne sont pas une clef du climat méditerranéen aussi importante que les précipitations.
Maintenant, si l'on regarde l'image 4 qui compare le régime des précipitations, on remarque les mêmes caractéristiques entre Montluçon et ces villes de climat méditerranéens (même si les courbes ne sont pas identiques) : hiver et printemps pluvieux avec un creux en février et un pic avril-mai, un creux marqué de juin à août qui continue en septembre à Montluçon, puis une fin d'automne pluvieuse après un pic en octobre. On peut aussi remarquer que les précipitations à Montluçon entre 2010 et 2019 sont inférieures aux données climatiques (sur 30 ans) des villes méditéranéennes condidérées. Plus simplement, il a moins plus à Montluçon sur 2010-2019 que dans le climat méditerranéen de Narbonne, Carcasonne ou Avignon, ce qui n'était pas a priori une évidence. Pour Köppen, le climat est méditerranéen s'il y a une sécheresse estivale, si les précipitations sont inférieures à 40 mm durant le mois le plus sec et si les précipitations durant le mois le plus sec en été sont inférieures au tiers du mois hivernal le plus arrosé. Or Montluçon sur 2010-19 présente une sécheresse en août avec seulement 32mm. Seul le 3e critère n'est pas rempli mais avant tout en raison de la faiblesse des précipitations toute l'année puisqu'aucun mois n'atteint les 96mm. Pour Henri Gaussen, la principale caractéristique du climat méditerranéen est la sécheresse estivale, quand la courbe des températures dépasse celles des précipitations. C'est même la clef de détermination des climats méditerranéens pour lui, qu'il appelle indice d'aridité et qui conditionne l'apparition d'une végétation méditerranéenne. Il classifie même les climats méditerranéens en fonction du nombre de mois de sécheresse allant de 8 mois pour le climat xérothermoméditerranéen le plus marqué, à 1 mois de sécheresse pour le climat subméditerrannéen le moins marqué.
Ainsi, aussi inattendu que cela puisse être, Montluçon a eu sur la période 2010-19 un climat subméditerranéen avec 1 mois de sécheresse estival (presque 2) et des régimes des pluies et des températures correspondant à ceux de villes de climat méditerranéen.
C'est peut-être un atout touristique à développer mais un tel épisode ne peut qu'avoir des conséquences sur la végétation et c'est ce que nous verrons la prochaine fois.