Pour une agriculture biologique, locale et juste

Pour une agriculture biologique

Parmi les principes de l'amap, il y a celui d'une agriculture biologique, c'est-à-dire une agriculture qui n'utilise pas de produits chimiques de synthèse. Il y a plusieurs raisons à ce choix du bio.
Tout d'abord pour le consommateur, c'est la garantie d'avoir une alimentation qui ne contient pas de résidus des traitements chimiques employés. C'est véritablement fondamental pour des légumes et des fruits qui peuvent contenir ces traces sur la peau et dans la chair : laver et peler ne permet donc pas d'éviter d'ingérer ces résidus chimiques. Hors agriculture biologique, les "5 fruits et légumes par jour" deviennent 5 doses de traitements chimiques. Ces produits chimiques  sont souvent très nocifs que ce soit individuellement mais surtout en cocktails. En effet les différents traitements de la saison s'accumulent dans la plante. Des études évaluent la nocivité des traitements mais uniquement molécule par molécule sans tenir compte même des différentes molécules d'un même traitement et encore moins du cocktail reçu par la plante en une saison. Enfin ces études sont faites par les industriels eux-mêmes la plupart du temps. Par exemple, Monsanto- Bayer est le producteur du Round-Up, un désherbant. Il a produit les conclusions d'études aux autorités françaises et européennes pour avoir leur accord, mais refusent de donner le détail des études qui ne portent d'ailleurs que sur le glyphosate principal agent actif mais pas sur le traitement global avec toutes ses molécules et encore moins sur les traitements reçus sur une plante en une année, c'est-à-dire le cocktail que nous consommons avec le légume non bio. (Source et surtout formidable livre à lire d'urgence : Marie-Monique Robin, Le Monde selon Monsanto, 2008). 
L'agriculture biologique est aussi vitale pour le producteur. En effet, l'amap crée un lien entre le producteur et le consommateur et impose donc le bio : en effet, qui pourrait accepter de mettre en péril la vie de celui qu'il rencontre chaque semaine et qui le nourrit. L'agriculture "conventionnelle' c'est-à-dire chimique est en effet responsable de la mort ou des problèmes de santé des agriculteurs mêmes. Enfant dans une région viticole, il y avait dans chaque village une ou deux femmes d'ouvriers vignerons morts de maladie respiratoire ou intoxiqués sur place par une bourrasque de vent alors qu'ils traitaient la vigne, la faute étant bien sûr à la bourrasque de vent et non au produit employé. Aujourd'hui encore les "maladies professionnelles" des agriculteurs sont dues à la chimie comme le dénonce l' association Phyto'victimes. En 2012, la justice française a condamné pour la première fois le groupe Monsanto pour avoir intoxiqué un céréalier charentais Paul François avec le pesticide Lasso. (Plusieurs articles disponibles sur The surfing courgettes.) Le bio c'est donc pour le consommateur et le producteur.
Enfin l'agriculture biologique peut aussi être une agriculture écologique c'est-à-dire qu'elle bénéficie à l'environnement. Les sols tout d'abord. L'agriculture chimique utilise engrais et pesticides. Les premiers apportent les éléments minéraux, les derniers détruisent les "ravageurs" : champignons, maladies, animaux, insectes ou plantes concurrentes. Le modèle de l'agriculture chimique est donc : une espèce végétale unique plantée dans un substrat neutre et que l'on nourrit par des engrais. Les conséquences sont importantes. Engrais et pesticides stérilisent les sols et la monoculture les vide de toute substance organique ce qui rend les sols incapables de retenir l'eau et impose donc l'irrigation. Elle touche donc aussi les eaux puisque pesticides et engrais  sont emportés par le ruisellement dans les rivières, les nappes phréatiques, c'est-à-dire l'eau que nous consommons.
Le choix d'une agriculture bio ou chimique a donc des conséquences sur l'eau ce que montre l'opposition entre deux modèles. L'agriculture bretonne, chimique à outrance, a saturé les eaux bretonnes de nitrates agricoles (engrais) au point que la consommation d'eau du robinet est interdite dans les cantines de Rennes depuis 20 ans. Depuis les années 2000, les marées vertes touchent chaque été les côtes bretonnes : les nitrates agricoles sont emportés par les eaux de ruissellement dans les rivières et la mer où ils jouent leur rôle d'engrais en entrainant la profifération d'algues qui sont rejetées sur les côtes. L'élevage porcin en batterie (55% des porcs français) innonde quant à lui ces rivières d'antibiotiques, les animaux sont en effet traités constamment de manière préventive dans la nourriture et les médicaments passent dans les urines et les nappes phréatiques (voir l'article Paysans et paysagistes).
L'autre modèle sur le rapport agriculture-eau serait la ville de Munich qui, depuis 1991, a incité tous les agriculteurs de sa zone de captage d'eau à se convertir à l'agriculture biologique. La ville bénéficie donc d'une eau pure sans qu'il y ait besoin de traiter celle-ci. New-York est en train de suivre le même chemin. (Pour plus d'informations sur le cas munichois). 
Le choix du bio est donc une stratégie globale, pour le consommateur, le producteur et l'environnement.

Pour une agriculture locale

La volonté de privilégier une agriculture locale est liée avant tout aux aspects biologique et écologique. L'idée d'une agriculture biologique est qu'elle n'utilise pas de produits chimiques de synthèse pour le bien être du consommateur, du producteur et de l'environnement tout entier. L'idée d'une agriculture écologique est qu'elle soit bénéfique pour l'environnement, que l'agriculture ne mette pas en péril l'écosystème dans lequel elle est pratiquée voir même qu'elle l'entretienne et l'améliore (voir l'article Les Bienfaits de Dame Nature).
Le choix local est donc logique : si l'on consomme du bio, il est normal de prendre des produits de proximité pour que ce soit notre propre environnement qui bénéficie du choix biologique que nous faisons. Ainsi, en consommant le panier bio du Jardin d'Eve, situé au confluent de la Tartasse et du Cher en amont de Montluçon, je contribue à ce que l'eau du robinet à Montluçon soit de meilleure qualité que si cette exploitation était en agriculture chimique (pour voir la carte). Le choix local complète donc le choix biologique au profit de son propre environnement : je consomme mieux pour vivre dans un meilleur environnement local.
Le choix local permet aussi au choix bio d'être un choix écologique. En effet, si je consomme bio, c'est aussi pour préserver l'environnement global. Or dans ce domaine, tous les légumes bio ne ressemblent pas. Un légume bio non local entraîne des atteintes à l'environnement que ne génère pas un légume bio local. Les légumes sont transportés sur de longues distances, l'essentiel de la production européenne venant du sud de l'Espagne (Alméria) ou de Bretagne en passant par des grossistes néerlandais le plus souvent, le tout par camions diesel très polluants. De même, ces transports longs impliquent de la réfrigération, consommatrice d'énergie et de la cueillette avant maturité, la maturation étant faite par différents procédés écologiquement criticables mais que le bio n'interdit pas puisqu'il s'arrête à la cueillette des légumes. Un légume bio non local est donc toujours bio mais n'est pas du tout écologique. Et l'on ne parle là que des légumes produits en Europe, les autres ayant des temps de transport encore plus longs et donc un coût écologique encore plus important (voir Agriculture et changement climatique ou Le changement climatique, le GIEC et le panier)
C'est là la critique principale que l'on peut faire à  la grande distribution dans son passage au bio : les légumes bio vendus dans les grandes surfaces sont le plus souvent espagnols, bretons ou en tous cas non locaux donc non écologiques. C'est le cas d'un concombre acheté pendant les vacances 2014, loin de mon Amap, dans un supermarché de Bretagne, région pourtant aussi productrice de concombre. Il est d'origine espagnole, issu de l'agriculture biologique et revendiqué Produit de Terroirs. Autant d'incohérences dans la démarche que sur l'étiquette.
Consommer bio et local est donc la seule solution de consommer de manière écologique en préservant son environnement local mais aussi l'environnement à l'échelle globale  principalement en minimisant l'empreinte carbone de notre alimentation. Cela concerne bien sûr avant tout les produits locaux : rien de criticable dans une banane ou du café bio venant de loin puisqu'ils ne peuvent être produits ici.
Enfin , le choix local c'est avant tout du mieux-être pour le consommateur. Le local implique la saisonnalité des produits et donc leur qualité gustative parfaite, sans transport préjudiciable aussi pour le goût (voir l'article Ceci n'est pas une fraise sur la qualité des légumes selon le mode de production et l'articleEloge de la saison). Le local implique aussi de connaître les producteurs et de transformer un simple rapport de clientèle en un rapport plus profond. Le choix du local est en effet la base du circuit-court : il rend tout intermédiaire incongru et malvenu alors que l'intermédiaire est nécessaire pour des produits non locaux.

Pour une agriculture juste

Qu'est ce que c'est qu'une agriculture juste? C'est une agriculture qui remplit sa fonction auprès des trois acteurs de l'échange agro-alimentaire : consommateur, producteur et environnement. Elle nourrit le consommateur avec des produits sains et au prix juste. Elle permet au producteur de vivre de son travail. Elle ne porte pas atteinte à l'environnement local (ce que permet l'agriculture biologique) et à l'environnement global (ce que permet l'agriculture locale et bio). Une agriculture juste est donc une agriculture biologique et locale avec un prix juste pour le producteur et le consommateur, c'est-à-dire qui permet à ces deux acteurs de vivre.

Comment obtenir ce prix juste? Cette question a déjà été posée par le commerce équitable qui s'est développé au cours des 50 dernières années pour le commerce de produits avec les pays du sud. Dans ce cas, il y a le problème de la distance qui impose des intermédiaires pour regrouper les produits, les expédier puis les distribuer. Ces intermédiaires nombreux créent un écart entre le prix payé au producteur et celui payé par le consommateur : sur un caddie alimentaire de 100€ en supermarché, seuls 8€ reviennent aux agriculteurs français.

Dans le cas d'une consommation locale qui nous intéresse ici, ces intermédiaires n'ont pas lieu d'être et c'est de cette idée que part toute la réflexion sur les circuits courts. Les circuits-courts sont tous les moyens d'échange  entre le producteur et le consommateur : Amap, marché de producteurs, vente à la ferme, drive paysan, livraison à domicile, cueillette en direct ou même vente en distributeur par les paysans sont sans intermédiaire (à l'exception de tout autre). On considère aussi comme circuit-court quand il n'y a qu'un seul intermédiaire, par exemple quand un restaurant traditionnel ou collectif, type cantine, s'approvisionne auprès d'un agriculteur pour nourrir ses clients. 

Le circuit-court se développe en France puisqu'en 2010, il représentait 12% de la valeur des échanges alimentaires en France et que 21% des agriculteurs vendaient tout ou partie de leurs productions en circuit-court. Ce mode de vente est donc tout sauf anecdotique pour certaines productions comme le miel, les légumes ou le bio, secteurs pour lesquels la moitié des producteurs vendent en partie en direct. 

Contrairement à ce que pensent les clients de la distribution classique, le circuit-court n'est pas plus cher que les grandes surfaces et est même moins cher à qualité comparable comme l'a montré un test comparant le panier de notre amap et les circuits de distribution classiques locaux. Comment expliquer cela? Par le poids des intermédiaires dans la distribution classique : coopérative d'achat, grossiste, transporteur, voire même spéculation par rachats successifs, groupements d'achat et enfin marge des distributeurs. Tous ces intermédiaires ont un coût qui s'ajoute à chaque fois sur le prix final du produit. Pour compenser cela et vendre encore à un prix acceptable aux clients en supermarché, chacun se retourne vers le précédent et en bout de chaîne c'est le prix agricole qui est baissé. Les groupements d'achat des grandes surfaces sont en position avantageuse pour négocier les prix agricoles surtout depuis qu'il n'en existe plus que deux pour toutes les enseignes. Quel producteur peut se permettre de refuser un prix et de se retrouver en même temps exclu de la moitié des grandes surfaces françaises?
Les prix agricoles sont donc insuffisants alors que les prix de vente finaux sont élevés. Ainsi un panier de légume acheté au producteur 0.5€/kg en janvier 2012 est vendu en grande surface 1.6€/kg soit 1.1€/kg qui revient aux intermédiaires soit les 2/3 du prix final alors que le produit n'a subi aucune transformation. Avec transformation, même simple, c'est encore pire. Ainsi le prix du lait constitue seulement 1/6 du prix d'un yaourt qui ne contient rien d'autres que des ferments. En moyenne selon les produits alimentaires la part du prix (marge brute) qui va à la grande surface est de 25 à 30% du prix de vente dont 5% de bénéfice (marge nette finale). (Données Rapport Franceagrimer 2013 pour le parlement). Ces prix trop bas ont des conséquences graves que montre le secteur des fruits. 10 ans de prix trop bas des fruits imposés par les grandes surfaces et la concurrence étrangère ont contraints de nombreux agriculteurs à fermer leurs exploitations ce qui pose un problème global. La France produisait 100% de sa consommation en fruit il y a 10 ans, elle ne produit plus que 65% et a donc perdu son indépendance dans ce domaine. 
Supprimer le coût de ces intermédiaires par le circuit-court permet donc d'avoir un prix juste : celui qui travaille est payé justement et le consommateur peut se nourrir à un prix correct. Le circuit-court a en plus un avantage en terme économique global. Ces marges plus importantes permettent de diversifier les activités et d'augmenter le nombre d'employés ce qui rend les fermes plus productives. Une enquête sur l'Île-de-France montre que les fermes qui commercialisent une part de leur production en circuit-court sont plus petites que celles ne commercialisant qu'en circuit conventionnel (76 contre 136ha) mais font travailler plus de monde (4,4 employés contre 1,2 temps plein). Une ferme en circuit court est donc aussi rentable avec presque 2 fois moins de surface cultivée et en employant 6 fois plus de personne à surface égale. Sur un même espace agricole qui est souvent limité en Île de France, on peut donc avoir plus de fermes chacune employant plus de monde. De quoi nourrir et faire travailler beaucoup plus de personnes que les circuits longs. L'agriculture en amap est même une nouvelle forme d'agriculture entre agriculture vivrière et commerciale (voir Rencontre du 3e type : l'agriculture amapienne).

L'amap pour changer la société et soigner le climat

L'engagement amapien pour une agriculture biologique, locale et juste est donc un choix éthique mais c'est aussi une proposition économique, sociale, écologique et même politique alternative. Ce  n'est pas une utopie mais une voie vers une autre réalité possible comme le montre l'article Changer la société à coups de paniers

Au quotidien il est déjà révolutionnaire face au changement climatique puisque manger en amap, c'est-à-dire de saison, brut, diversifié, local, bio et circuit-court permet d'économiser les 3/4 des GES alimentaires, soit 22,5% de nos GES totaux (voir Le changement climatique, le GIEC et le panier).

Alors qu'attendez vous pour changer le monde à coups de paniers, une révolution quotidienne joyeuse et délicieuse?

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